RWANDA : LE GENOCIDE, KABUGA FIXE MERCREDI SUR SA REMISE.
Accusé d'être le "financier" du génocide au Rwanda, Félicien Kabuga, arrêté en mai près de Paris après 25 ans de cavale, sera fixé mercredi sur sa remise par les autorités françaises à la justice internationale, à laquelle il s'oppose.
La Cour de cassation doit se prononcer sur le pourvoi déposé par le Rwandais pour contester son transfert à Arusha, en Tanzanie, où siège le tribunal de l'ONU qui doit le juger pour génocide et crimes contre l'humanité.
Le 3 juin, la cour d'appel de Paris, chargée d'examiner la validité du mandat d'arrêt émis par le Mécanisme pour les tribunaux internationaux (MTPI), avait ordonné la remise de l'octogénaire à cette structure chargée d'achever les travaux du Tribunal international pour le Rwanda (TPIR).
Interpellé le 16 mai en banlieue parisienne, le vieil homme, 87 ans selon ses dires, est notamment accusé d'avoir participé à la création des milices hutu Interahamwe, principaux bras armés du génocide de 1994 qui fit, selon l'ONU, 800.000 morts, essentiellement au sein de la minorité tutsi.
Il est également soupçonné d'avoir contribué en 1993 à l'achat massif de machettes qui seront distribuées aux miliciens en avril 1994, une accusation qui appuie la thèse d'une planification du génocide, jamais tranchée par la justice internationale au grand dam de Kigali. Mais l'ancien président de la tristement célèbre Radio télévision libre des Mille collines (RTLM), qui diffusa des appels aux meurtres des Tutsi, conteste l'intégralité des sept chefs d'inculpations qui le visent.
Etat de santé
Devant la Cour de cassation le 2 septembre, son avocat, Me Louis Boré, a d'abord soulevé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), faisant valoir que la loi française applicable limitait "de façon excessive" les prérogatives du juge au regard des droits fondamentaux du prévenu réclamé par la justice internationale, ce qui, selon lui, viole la Constitution.
Cette loi n'impose à la justice que de s'assurer de la validité des mandats d'arrêt émis par le MTPI et de vérifier l'identité de la personne arrêtée avant de la remettre à ce dernier, sans se pencher sur les conditions de son transfert et de sa détention.
L'avocat a ensuite invoqué l'état de santé de M. Kabuga. Il a souligné que son client, qui souffre de diabète et d'hypertension, était aussi atteint de "leucoaraïose", une pathologie incurable lui faisant perdre progressivement ses fonctions motrices et cognitives.
Cette affection, a-t-il plaidé, ne permet "pas de le transférer dans des conditions sanitaires satisfaisantes" à Arusha, où il doit en principe comparaître.
Dans son arrêt du 3 juin, la cour d'appel de Paris s'était appuyée sur un certificat médical établi par le médecin pénitentiaire, qui certifiait que M. Kabuga devait être transporté "par ambulance lors des extractions" mais qui n'établissait pas, selon elle, d'incompatibilité de son état de santé avec la détention, ni de contre-indication à un transfert.
"Ce certificat a été établi par le médecin pénitentiaire sur le transfert de M. Kabuga entre la prison et le Palais de justice", a observé Me Boré, "à aucun moment le médecin ne s'est interrogé sur le transfert entre Paris et Arusha".
A quelques jours de la décision de la cour de cassation, Félicien Kabuga a d'ailleurs été extrait de sa prison pour "raisons médicales" en fin de semaine dernière, ont indiqué des sources concordantes à l'AFP.
L'avocate générale a de son côté préconisé de rejeter la question prioritaire de constitutionnalité et le pourvoi.
Si la Cour de cassation suivait son avis, la France aurait un mois pour remettre M. Kabuga au MTPI.
"Nous espérons évidemment une confirmation (par la Cour de cassation en France) de la décision de la cour d'appel de Paris. Nous sommes confiants", avait déclaré à l'AFP le procureur du MTPI Serge Brammertz, joint alors qu'il était à Kigali le 3 septembre.
Il a rappelé qu'en l'état le MTPI était la seule juridiction compétente pour juger le fugitif, alors que des victimes rwandaises ont émis le souhait de le voir juger au Rwanda, "à moins que le Conseil de sécurité (de l'ONU) n'en décide autrement", a-t-il affirmé.
AFP