LES ACCOUCHEMENTS PAR CESARIENNE PROGRESSENT EN AFRIQUE
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Les femmes qui bénéficient d’un accouchement par césarienne ne sont pas toujours celles qui en auraient besoin. Ce qui est vrai à l’échelle de la planète l’est aussi en Afrique, même si cette zone géographique est celle où se pratique le moins ce geste médical.
Obstétricien de formation et chercheur au Centre Population & Développement (Ceped, université Paris-Descartes) et à l’Institut de recherche pour le développement (IRD), Alexandre Dumont vient d’établir avec Christophe Z. Guilmoto un panorama mondial de cette intervention chirurgicale qui prévient efficacement la mortalité maternelle et néonatale lorsqu’elle est pratiquée à bon escient. Publiée dans le numéro 581 de Population & Sociétés, le bulletin de l’Institut national d’études démographiques (INED), leur travail montre que si 21 % des naissances se font par césarienne dans le monde, les moyennes nationales s’échelonnent, elles, de 1 % à 58 %.
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Et sur les 28 pays qui enregistrent des chiffres en deçà de 5 %, les trois quarts se situent en Afrique subsaharienne. « On observe les taux les plus faibles au Niger, au Tchad, en Ethiopie, à Madagascar. Parmi les grands pays désavantagés, on relève le Mali (2 %), le Nigeria (3 %), l’Afghanistan (3 %) et le Congo (5 %) », précise l’étude. Ce qui place sans grande surprise l’Afrique comme le continent où l’on naît le moins souvent de cette manière.
Gratuité des soins obstétricaux
Pourtant, Alexandre Dumont y observe aussi des changements assez rapides. « Dans les années 1990, le taux de naissance par césarienne était de l’ordre de 1 % dans la plupart des pays d’Afrique centrale et d’Afrique de l’Ouest, rappelle-t-il. Et il est resté stable durant une décennie, avant de commencer à augmenter dans les années 2000, notamment dans les pays qui avaient développé la gratuité des soins obstétricaux. » Ce médecin qui a travaillé en Afrique de l’Ouest a pu observer, quelques années après la mise en place de ces politiques volontaristes, un impact net sur les chiffres. Ainsi au Mali, le taux est passé de 1,7 % en 2006 à 2,9 % six ans plus tard ; au Burkina, de 0,7 % à 3,7 % ; et au Sénégal, de 3,5 % à 5,3 %.
En parallèle à cette augmentation qui permet de sauver des vies de mères et d’enfants dans cette zone où la mortalité néonatale reste la plus élevée au monde, ce ne sont pas toujours les indications médicales qui prévalent dans la décision de pratiquer ce geste chirurgical. Dans une grande maternité de Dakar où il a exercé, Alexandre Dumont a ainsi été témoin de l’arrivée des césariennes de confort. Il se souvient comment « une femme de la catégorie des “protégées”, comme on appelle celles qui sont parentes ou amies de la sage-femme, a été envoyée au bloc alors que la césarienne était moins une indication médicale qu’un supposé “confort” dans ce monde où la péridurale n’existe pas ». Ce cas n’est pas unique dans un univers où les salles de travail demeurent souvent spartiates.
Au Burkina Faso, la sociologue et sage-femme Clémence Schantz et l’épidémiologiste Charles Kaboré ont mené un travail d’observation montrant que 24 % des césariennes réalisées dans les hôpitaux où ce geste est gratuit n’étaient pas médicalement justifiées. « Cette pratique abusive est plus fréquente dans les villes, lorsqu’elle est réalisée par du personnel peu qualifié, et parmi les femmes issues des catégories sociales les plus favorisées », précisent MM. Dumont et Guilmoto. Si ce phénomène est plus prégnant sur d’autres continents, ses effets pervers sont plus importants en Afrique. Outre son coût financier et le danger d’un geste chirurgical sous anesthésie qu’il fait inutilement courir aux mères, il mobilise inutilement des praticiens en sous-effectif et des blocs opératoires rares, alors qu’au même moment une urgence vitale pourrait se présenter.
Une « épidémie » de césariennes
Mais sur ce point comme sur bien d’autres, l’Afrique suit la marche du monde. Au niveau planétaire, le taux mondial de césarienne a presque triplé en un quart de siècle, passant de 6,7 % en 1990 à 19,1 % en 2014, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui estime que le « bon » taux – celui qui permet de limiter la mortalité périnatale sans virer dans l’excès – se situe entre 10 % et 15 %. « Si on regarde les courbes africaines à l’aune de cette progression mondiale, on risque fort d’y aboutir à la même épidémie de césariennes qu’ailleurs d’ici quinze ans », diagnostique Alexandre Dumont.
Alors que l’île Maurice ou les Seychelles sont déjà à 45 % de césariennes, le Ghana à 13 % et l’Algérie à 16 %, c’est pour éviter les dérives que M. Dumont va accompagner l’installation de la pratique dans quatre pays, dont un en Afrique, le Burkina Faso. « Nous serons présents à compter de janvier 2021 dans une série d’hôpitaux sélectionnés, précise-t-il. Nous y informerons les femmes des différents modes d’accouchement et aiderons les médecins et les sages-femmes à analyser leurs pratiques au regard des indications médicales de la césarienne. » Le médecin a déjà observé que cette simple délivrance d’informations, si elle est bien dispensée, peut faire diminuer de 25 % le nombre de césariennes pratiquées dans un hôpital.