MALI : LA CEDEAO ESPERE UNE AUTORITE CIVILE DE TRANSITION DANS LES PROCHAINS "JOURS"
Les voisins du Mali ont insisté mardi pour que la junte désormais au pouvoir à Bamako nomme rapidement des dirigeants civils de transition, faisant miroiter une levée possible dans quelques jours des sanctions imposées au pays sahélien en crise.
Les dirigeants de la Communauté des Etats ouest-africains (Cédéao) ont tenu à Peduase (est du Ghana) un nouveau sommet sur la crise malienne, un mois après le coup d'Etat militaire qui a renversé le 18 août le président Ibrahim Boubacar Keïta, soutenu pendant des années par la communauté internationale dans le combat contre les jihadistes mais déstabilisé par des mois de contestation intérieure.
Réclamant depuis le début un retour rapide à l'ordre constitutionnel, la Cédéao avait donné aux nouveaux maîtres de Bamako jusqu'à mardi pour désigner un président et un Premier ministre de transition qui dirigeraient le pays jusqu'à un retour définitif des civils. Ces dirigeants temporaires doivent eux-mêmes être des civils, demande-t-elle, alors que le Mali se divise profondément sur cette question et beaucoup d'autres. Les militaires qui ont fait le déplacement de Peduase derrière le chef de la junte, le colonel Assimi Goïta, n'ont rendu public aucun nom de président ou de Premier ministre à l'approche de l'expiration de l'ultimatum.
Le président ghanéen Nana Akufo-Addo a cependant émis des signes de progrès, au moins aux yeux des dirigeants de l'organisation ouest-africaine dont il assure la présidence tournante .
"La situation au Mali doit être résolue rapidement", a-t-il dit aux journalistes à l'issue de discussions qui semblent avoir duré plusieurs heures de plus que prévu. "Pour nous, la transition doit être dirigée par des civils", a-t-il dit, "à la minute même où cette direction sera mise en place, les sanctions imposées au Mali seront levées par la Cédéao".
La Cédéao renverra un médiateur à Bamako la semaine prochaine et le président ghanéen a émis l'espoir que la junte aura accédé d'ici là aux exigences de la Cédéao, lui permettant de lever les sanctions.
"Nous espérons que nous parlons de jours et non de semaines", a-t-il ajouté.
La Cédéao s'inquiète d'un surcroît d'instabilité dans un Sahel gagné par la propagation jihadiste, et du mauvais exemple régional que donnerait une junte maintenue durablement au pouvoir.
Elle a infligé le 20 août au Mali un embargo sur les flux financiers et commerciaux. Ces mesures inquiètent dans un pays en proie à un profond marasme économique, en plus des agissements jihadistes et des violences intercommunutaires.
Nouvelles consulations annoncées
La junte, soucieuse d'une "refondation" de l'Etat, a promis de restituer les commandes aux civils à l'issue d'une période de transition. Depuis des semaines, les Maliens se divisent sur la durée de cette période et sur qui la dirigera, civil ou militaire. Les colonels se sont rendus au Ghana avec une charte de la transition détaillant l'organisation de cette période. Ce document crucial prévoit une transition de 18 mois. Le président qui la conduirait serait un civil ou un militaire, mais il serait nommé par un collège installé par la junte. Le Premier ministre serait nommé par le président de la transition.
Le président serait flanqué d'un vice-président chargé des questions de défense et de sécurité, un poste volontiers considéré comme taillé sur mesure pour le chef de la junte, le colonel Assimi Goïta.
Les militaires ont validé cette charte à l'issue de concertations avec un certain nombre d'acteurs politiques et de la société civile la semaine passée. Mais le document est contesté comme un fait accompli par le Mouvement du 5-Juin. Cette coalition hétéroclite a fait descendre des milliers de Maliens dans la rue pendant plusieurs mois contre le pouvoir en place, canalisant l'exaspération des Maliens. Des militaires ont fini par déposer l'ancien président Keïta le 18 août. Le M5 réclame d'être placé sur un pied d'égalité avec la junte à l'heure de la transition.
Mais les divisions dépassent largement la junte et le M5.
Les partisans d'une transition longue confiée aux militaires arguent du temps et de l'autorité nécessaires pour créer les conditions d'un redressement dans un pays au bord du gouffre.
La Cédéao avait jusqu'alors réclamé que la transition n'excède pas 12 mois. Le président ghanéen n'a pas explicitement reformulé cette demande devant les journalistes, mais a pris acte que les Maliens s'étaient entendus sur des processus de transition.
Le colonel Goïta a dit à ses interlocuteurs qu'il devait à présent "rentrer et consulter tous ceux à qui la décision appartient et obtenir leur accord", a dit le chef de l'Etat ghanéen. La junte n'a fait aucun commentaire public sur les discussions de Peduase.
AFP