USA« LA PRATIQUE DU POUVOIR N’A PAS CHANGE TRUMP. C’EST L’INVERSE QUI S’EST PRODUIT »
Bonnes feuilles. La pratique du pouvoir n’a pas changé Donald Trump. C’est l’inverse qui s’est produit. Au cours de quatre années d’un mandat unique en son genre, l’ancien homme d’affaires a installé un autre exercice de la politique, qui fait des émules à travers le monde.
Il est parvenu à ses fins sans coup de force spectaculaire. Il n’a pas brisé les piliers de la démocratie américaine. Son opposition a pu user des leviers mis à sa disposition, sans en négliger aucun. La justice a été régulièrement saisie et a tranché. La presse a enquêté, dévoilé et interpellé, même si elle l’a payé en insultes présidentielles qui ont ébranlé ce contre-pouvoir.
Il s’est contenté de ne pas respecter les règles observées avant lui. Chaque fois qu’il a semé le trouble, y compris en instillant le doute sur la sincérité du scrutin présidentiel de 2020 en évoquant à nouveau sans preuves, comme en 2016, une fraude potentiellement massive, il a persisté. Les Américains ont découvert qu’il était possible, sans encourir de sanction majeure en cours de mandat, de s’affranchir de normes, souvent non écrites, auxquelles ses prédécesseurs avaient généralement consenti parce qu’ils les considéraient comme la base d’un contrat social.
Pratique politique destructrice
Il a pu compter sur le renoncement, l’apathie et enfin la complicité du Parti républicain, y compris de la part de ceux qui, comme Lindsey Graham, avaient précocement estimé qu’il représentait un « désastre absolu » pour le Grand Old Party, et qu’il pourrait « détruire le conservatisme ». « Il nous faudra une génération pour nous en remettre », avait assuré le sénateur. Ceux qui avaient sonné l’alarme se sont contentés de chevaucher le tigre sans chercher à peser sur sa course.
Des décennies de choix de la surenchère ont préparé le terrain. La capacité d’attraction d’un Ronald Reagan a été remplacée par une quête de la pureté idéologique et par la chasse aux modérés. Elle a commencé avec l’offensive du « Contrat pour l’Amérique », en 1994, dirigé contre un démocrate centriste, Bill Clinton, et s’est poursuivie avec le mouvement quasi insurrectionnel du Tea Party, quinze ans plus tard. Le Grand Old Party a laissé infuser une pratique politique destructrice assimilée à la guerre civile permanente. Puis il s’est retrouvé subjugué par un tribun qui a pris son contrôle pour y imposer ses propres priorités.
Donald Trump a réussi dans son entreprise sans chercher à susciter l’adhésion au-delà de son camp. Le diviseur en chef des Etats-Unis a tout fait au contraire pour entretenir une loyauté frisant souvent l’adulation en veillant à répondre aux demandes spécifiques de sa coalition : réforme fiscale favorable aux plus fortunés, dérégulation environnementale ou sociale, exaltation des valeurs de la droite religieuse, entretien des ressorts ultranationalistes.