JAPON : « L’AFFAIRE GHOSN », LE PROCES S’OUVRE SANS CARLOS GHOSN
C’est sans Carlos Ghosn que s’est ouvert, mardi 15 septembre à Tokyo, le procès de son ex-bras droit, Greg Kelly, et du constructeur qu’il a dirigé pendant vingt ans, Nissan.
Près de deux ans après son arrestation, l’avocat américain a comparu en costume sombre et cravate rayée rouge et blanc, à la première des 76 audiences prévues d’un procès dont le verdict n’est pas attendu avant la fin 2021, voire le printemps 2022. Celui-ci se tient en l’absence de M. Ghosn, en fuite au Liban après avoir violé sa libération sous caution, fin 2019.
M. Kelly, qui fêtait le même jour ses 64 ans, comparaît pour avoir manipulé les bilans financiers de Nissan afin de dissimuler, entre 2009 et 2017, 9 milliards de yens (71,7 millions d’euros) de rémunération à verser à Carlos Ghosn après son départ à la retraite. Les montages auraient visé à éviter les critiques sur les montants perçus par M. Ghosn. Le Japon avait décidé, en 2009, d’obliger les entreprises à rendre publics les salaires de leurs dirigeants.
L’accusation voit dans ces dissimulations une infraction passible de dix ans de prison. « Je n’ai enfreint aucune loi au Japon », se défend M. Kelly, qui a enchaîné les entretiens dans la presse nippone à l’approche du procès et qui escompte un acquittement.
L’avocat a rejoint la filiale américaine de Nissan en 1988. Il a gravi les échelons jusqu’à en devenir directeur juridique en 2008, puis administrateur en 2012. Son bureau était voisin de celui de Carlos Ghosn au siège de Nissan, à Yokohama (sud de Tokyo). Il avait la haute main sur les affaires concernant son patron.
Une « justice de l’otage »
Arrêté le même jour que son supérieur, le 19 novembre 2018, à son arrivée des Etats-Unis, Greg Kelly a été libéré sous caution le 25 décembre de la même année. A la différence de l’ancien dirigeant de l’Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi, il n’a pas été mis en examen pour abus de confiance.
Depuis sa libération, il réside à Tokyo, où l’a rejoint son épouse avec un visa d’étudiante en japonais. Comme M. Ghosn, il est peu amène avec la justice nippone, souvent qualifiée de « justice de l’otage » pour sa tendance à maintenir un suspect en détention tant qu’il n’a pas avoué.
L’affaire est, selon lui, « une question qui aurait dû être résolue en interne chez Nissan et pas une affaire criminelle qui justifie d’attendre un procès pendant deux ans dans un pays à 6 000 miles [près de 10 000 kilomètres] de sa maison. » Greg Kelly ne reproche pas à Carlos Ghosn d’avoir fui la justice japonaise. « Il a pris la décision qu’il pensait être la meilleure pour lui et sa famille », estime-t-il, tout en regrettant qu’il ne soit pas là « pour témoigner ».