ENTRE L’IRAN ET L’ARABIE SAOUDITE, LA PALESTINE PRISE EN ETAU EST DE PLUS EN PLUS ISOLEE
La cause palestinienne a longtemps servi de ciment à des pays aux intérêts divergents au Moyen-Orient. Mais à l’heure des rivalités croissantes entre l’Iran et l’Arabie saoudite, les Palestiniens se trouvent pris en étau, isolés et en quête de nouveaux alliés, estiment des analystes.
Une position d’autant plus difficile après l’annonce ce vendredi d’un accord de normalisation entre Israël et Bahreïn, deuxième pays du Golfe à se rapprocher de l’Etat hébreu en moins d’un mois.
Chronologie des chamboulements dans la région
Juin. L’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas multiplie les déclarations chocs, les appels à faire dérailler le projet israélien d’annexion de pans de la Cisjordanie occupée.
La Ligue arabe, la Turquie et des Etats européens comme la France mettent en garde Israël contre une annexion qui mettrait à mal la solution dite à "deux Etats", Israël aux côtés d’un Etat palestinien.
Les Emirats arabes unis et Israël annoncent la normalisation de leurs relations. A Ramallah, les dirigeants palestiniens fulminent.
Coup de poignard dans le dos
"Puissiez-vous ne jamais être lâchés par vos 'amis" ", tweete Hanane Achraoui, le Premier ministre Mohammed Shtayyeh évoquant lui un "coup de poignard dans le dos".
Si des pays arabes se sont prononcés contre l’annexion, les alliés arabes traditionnels des Palestiniens ont soit salué, soit cautionné l’accord de normalisation devant être signé mardi à Washington.
Jusqu’alors, le consensus arabe faisait du règlement du conflit israélo-palestinien une condition sine qua non à une normalisation des relations avec l’Etat hébreu.
"Les dirigeants palestiniens sont très en colère", souligne Sari Nusseibeh, intellectuel et ancien responsable au sein de l’Organisation de la libération de la Palestine (OLP). Même si "en réalité les Palestiniens se sont toujours plaints d’un manque de soutien arabe".
Polarisation du monde arabe
Ce "manque de soutien" est de plus en plus palpable dans un Moyen-Orient marqué par les soubresauts des "printemps arabes", une polarisation Iran-Arabie saoudite, et la lutte contre le groupe Etat islamique.
Du fait des "révolutions, des guerres civiles et autres disputes régionales", "les Arabes ont du mal à s’entendre sur quoi que ce soit, donc aussi sur la façon de soutenir la cause palestinienne", estime l’analyste palestinien Ghassan Khatib.
"Les Palestiniens paient le prix de la détérioration de l’unité arabe", dit-il à l’AFP.
Exemple ? Mercredi, les Palestiniens ont échoué à convaincre leurs partenaires de la Ligue arabe de condamner l’accord israélo-émirati.
Les Palestiniens n’ont pas vraiment d’issue, ils sont coincés
Mais à Ramallah on continue de se référer au fameux "consensus arabe" et on rejette l’idée selon laquelle les Palestiniens sont isolés diplomatiquement.
Comme l’affirme à l’AFP Jibril Rajoub, un haut responsable pour qui "ce sont ceux qui violent le consensus arabe qui se retrouveront isolés sur le long terme".
Mais en réalité, "les Palestiniens n’ont pas vraiment d’issue, ils sont coincés", estime une source diplomatique occidentale. "Ils sont aussi coincés par ceux qui veulent récupérer leur cause, que ce soit la Turquie ou l’Iran".
"Plus de tort"
Téhéran et Ankara, derniers alliés ?
Téhéran et Ankara ont été les opposants les plus loquaces à l’accord entre Israël et les Emirats qualifié de "trahison".
L’Iran entretient des relations avec des groupes islamistes armés de Gaza mais pas autant avec l’Autorité palestinienne.
La Turquie, elle, "ambitionne de mener la défense de la cause palestinienne", estimant que les pays arabes et l’Occident ne la défendent pas assez, explique Gallia Lindenstrauss, de l’Institut national de recherches sécuritaires de Tel-Aviv.
Côté palestinien, Rajoub dit vouloir parler à "tous les soutiens de la cause palestinienne", sans exclure de se rapprocher davantage de la Turquie, "puissance régionale, pays musulman avec qui nous entretenons de bonnes relations".
Mais les Palestiniens devraient garder des distances avec des pays comme la Turquie, l’Iran ou encore le Qatar, également en froid avec les Emirats, estime Khatib.
"S’ils se rapprochent de l’Iran, ils perdent l’Arabie saoudite, et s’ils choisissent la Turquie, ils perdront quelqu’un d’autre", explique-t-il.
Selon lui, "appartenir à un clan ou à un autre causerait encore plus de tort aux Palestiniens". Et de résumer : "être au milieu de tout ça n’est pas très confortable".