SYRIE : LA MISE EN CAUSE DE LA LEGITIMITE DU PRESIDENT BACHAR AL-ASSAD
"Le président Bachar al-Assad est illégitime"
L’image que nous avons de la Syrie est celle d’un État totalitaire. Elle a été façonnée au cours de la guerre froide sous la dictature d’Hafez al-Assad, père de Bachar, et nous est surtout parvenue à travers le prisme d’Israël, qui s’efforce de donner de ses voisins une image menaçante. Mais la réalité est plus nuancée.
Arrivé au pouvoir un peu malgré lui, Bachar al-Assad n’est pas l’homme sanguinaire que l’on décrit habituellement. Avec une formation de médecin ayant étudié et vécu en Occident, il cherche immédiatement à dépoussiérer et réformer le régime dont il a hérité, et avec lequel il doit fonctionner. Il développe la numérisation de la société syrienne et l’accès aux réseaux sociaux. Au début des années 2000, ses efforts pour poursuivre les tentatives d’ouverture initiées par son père sont réels[1]. Mais le contexte international ne lui est pas favorable, et le monde est dominé par des dirigeants « va-t-en-guerre » et à la rationalité douteuse : Ariel Sharon en Israël, Georges W. Bush aux États-Unis, Tony Blair en Grande-Bretagne.
Un Marine américain, qui a séjourné en Syrie avant le conflit nous donne une image diamétralement différente de celle que les médias nous assènent aujourd’hui[2]. D’ailleurs, depuis le début du conflit, les médias traditionnels ignorent la population qui vit – volontairement – dans les zones gouvernementales. Ceci étant, la Syrie n’est pas un État démocratique au sens où nous l’entendons en Europe et nécessite sans doute des réformes, tout comme la Tunisie et l’Égypte. Mais elle n’est pas non plus une tyrannie méthodique et impitoyable comme l’Europe en a connu au début du XXe siècle.
manifestations anti-Assad à Soueida, en Syrie
Dans le sud de la Syrie, la population est dans la rue depuis quelques jours. Elle crie sa colère contre la chute de la livre et la flambée des prix. Mais plus encore contre le régime de Bachar El-Assad, raconte L’Orient-Le Jour.Depuis quatre jours consécutifs, des dizaines d’habitants de Soueida sont dans la rue pour crier leur colère contre la flambée des prix due à cette dégringolade inédite. Pour les habitants des régions sous contrôle de l’État, la survie se mesure en termes économiques et sociaux.
Colère contre la flambée des prix
Cette région située au sud de Damas, et contrôlée par le régime, est le cœur syrien de la minorité druze, qui est restée neutre durant le conflit. En janvier, la dépréciation de la livre syrienne était alors arrivée à un record avec un taux sur le marché noir de plus de 1 000 livres pour 1 dollar. Aujourd’hui, le billet vert s’arrache désormais à 3 000 livres, soit plus de quatre fois le taux officiel, fixé en mars par la banque centrale à 700 livres pour 1 dollar. Avant la guerre, 1 dollar valait 47 livres.
le régime Assad
Laborieusement convoquée à Genève après neuf mois d’interruption, la troisième session des pourparlers intersyriens menés sous l’égide de l’ONU a failli tourner court, lundi 24 août, après que quatre membres de la délégation venue de Damas ont été testés positifs au Covid-19. Si les discussions ont repris jeudi 27 août, le comité constitutionnel, censé débouché sur une réforme de la Constitution du pays, n’a pour l’instant rendu qu’un bulletin médical, comme un écho sinistre de la gravité de l’épidémie qui sévit dans le pays.
Au 27 août, le ministère de la santé comptabilisait officiellement 2 440 cas dans les régions contrôlées par Damas, dont une centaine « importés », et 98 décès liés à la pandémie. Le nombre de contaminations, bien que largement sous-estimés selon les ONG, ne cesse d’augmenter.
« Depuis juillet, la situation épidémiologique a rapidement évolué. En juillet, 532 cas ont été confirmés contre 157 cas en juin et 79 en mai. Au moment de la rédaction du présent rapport, en août, les autorités avaient confirmé plus de 920 cas. Compte tenu du nombre limité de tests pratiqués dans le pays, il est donc possible que des cas asymptomatiques et bénins ne soient pas détectés et que le nombre réel de cas dépasse de loin les chiffres officiels », alerte le Bureau de coordination des affaires humanitaires (OCHA) de l’ONU. A rebours du déni des autorités, les témoignages sont alarmants.
effondrement économique
« La frontière entre le Liban et la Syrie est toujours fermée, à moins d’avoir une recommandation ou une autorisation spéciale. Tout le monde à Damas me dit de ne pas venir, car les cas de Covid-19 explosent. La situation est encore pire à Alep, en termes de contamination et de manques de lits. Les fils Facebook se transforment en carnets de condoléances », raconte un homme d’affaires qui vit entre Beyrouth et Damas.
« Cela fait deux jours que je n’avais pas ouvert mon compte Facebook et, aujourd’hui, ce ne sont que des condoléances. Que celui qui n’est pas mort ou tombé malade me laisse un message », commente sarcastiquement un activiste, pourtant prorégime, qui suggère aux morgues de publier le nombre de décès plutôt que de laisser cette tâche au ministère de la santé.
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Début août, le directeur adjoint de la direction de la santé du gouvernorat de Damas estimait à 100 000 le nombre de cas probables dans la capitale et ses environs en se basant sur le nombre de décès, une centaine par jour. Signe d’une détérioration de la situation dans l’agglomération, de nombreux cas « suspects » sont répertoriés en province chez des malades ayant récemment séjourné à Damas.