CHINE : LES TENSIONS SINO-AMERICAINES EN MER DE CHINE MERIDIONALE RECOMMENCE LES SANCTIONS TOMBENT.
Des avions-espions, des tirs de missiles balistiques… La tension monte à nouveau en mer de Chine méridionale entre Pékin et Washington.
Dans un contexte où les Etats-Unis sont de plus en plus présents dans cette mer jugée comme sienne par la Chine – mais pas par la communauté internationale – et où Pékin multiplie les manœuvres militaires, l’escalade a franchi quatre paliers en soixante-douze heures. Il y a d’abord eu, mardi 25 août, le survol de la mer de Bohai (nord-est de la Chine) par un avion-espion américain, un U-2. Une initiative risquée de la part de Washington : en raison de manœuvres chinoises dans cette mer située juste à l’est de Pékin, la zone avait été décrétée « no-flight zone » et donc interdite aux aéronefs.
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Le lendemain, mercredi, la Chine a tiré deux missiles balistiques vers la mer de Chine méridionale. Un DF-26B d’une portée d’environ 4 000 km, à partir de la province de Qinghai (ouest du pays) et un DF-21D (d’une portée d’environ 1 800 km) à partir du Zhejiang. « C’est la réponse de la Chine aux risques potentiels apportés par la présence de plus en plus fréquente d’avions de combats et de navires militaires américains », a fait savoir une source proche de l’armée chinoise au quotidien hongkongais South China Morning Post. Tous deux auraient terminé leur course en mer, entre l’île-province de Hainan et les îles Paracel, dans un périmètre interdit de navigation pour cause d’exercices militaires.
Les Etats-Unis ont alors fait survoler la mer de Chine méridionale par un Cobra, qualifié de « bijou technologique » par les experts. Les Etats-Unis ne possèdent que trois exemplaires de cet appareil truffé d’électronique.
Enfin, quatrième phase de la tension : les Etats-Unis ont ajouté à leur entity list (« liste d’entités ») 24 entreprises et personnes physiques chinoises impliquées dans l’appropriation de la mer de Chine méridionale par Pékin, en particulier l’aménagement d’îlots à des fins militaires. Interdiction est donc faite aux entreprises.
D'une part, le département d'Etat a commencé mercredi à priver de visa américain des ressortissants chinois, "y compris certains dirigeants d'entreprises publiques" et des membres de leurs familles, a déclaré un haut responsable américain à des journalistes. Il a assuré que "plusieurs dizaines" de personnes avaient été identifiées pour cette sanction, mais n'a rendu public ni leur nombre précis ni leur identité. Sont visés ceux qui contribuent à "l'assèchement à grande échelle, la construction ou la militarisation" d'îlots artificiels disputés considérés comme des postes avancés en mer de Chine méridionale, ainsi que ceux qui participent à "l'utilisation par la République populaire de Chine de l'intimidation contre des personnes du Sud-Est asiatique pour entraver leur accès aux ressources offshore". D'autre part, le département américain du Commerce a ajouté à sa liste noire 24 sociétés publiques chinoises, dont plusieurs subsidiaires de la China Communications Construction Company, accusées d'aider l'armée chinoise à militariser ces îlots. En mai, Mike Pompeo avait annoncé "renforcer la politique des Etats-Unis" dans cette "zone vitale et disputée". "Les revendications de Pékin sur les ressources offshore dans la plus grande partie de la mer de Chine méridionale sont complètement illégales, de même que sa campagne d'intimidation pour les contrôler", avait-il ajouté, rappelant qu'un tribunal de la cour permanente d'arbitrage de La Haye avait jugé en 2016 que la Chine n'avait pas de base légale pour revendiquer des "droits historiques" sur cette zone. Les relations entre Pékin et Washington sont entrées dans une ère glaciale, notamment depuis l'apparition de la pandémie de Covid-19, dont le président américain Donald Trump attribue la responsabilité à l'absence de transparence des autorités chinoises. Les tensions, d'abord limitées aux questions commerciales, se sont multipliées, du sort de Hong Kong aux accusations d'espionnage industriel jusqu'aux droits des musulmans ouïghours. Mike Pompeo en fait désormais l'axe principal de la politique étrangère américaine, en empruntant une rhétorique idéologique digne de la Guerre froide lorsqu'il appelle le "monde libre" à "triompher" de la "nouvelle tyrannie" incarnée selon lui par le Parti communiste chinois. Dans ce contexte, le secrétaire d'Etat s'est aussi dit mercredi "effaré d'apprendre la poursuite des tactiques de harcèlement et d'intimidation du Parti communiste chinois contre nos amis au Royaume-Uni". Il a évoqué dans un autre communiqué le fait que la banque britannique HSBC aurait "empêché des dirigeants basés à Hong Kong du groupe Next Media", qui édite des publications prodémocratie, "d'accéder à leurs cartes de crédit et comptes bancaires personnels". "La banque préserve donc les comptes de personnes sanctionnées pour priver les Hongkongais de liberté, tout en fermant les comptes de ceux qui recherchent cette liberté", a protesté le ministre américain, rappelant que le responsable de la banque pour l'Asie Pacifique avait soutenu la loi controversée sur la sécurité nationale imposée par Pékin à Hong Kong.