BIELORUSSIE : DES DIZAINES DE MILLIERS DE PERSONNES SE SONT RASSEMBLEES DANS LA CAPITALE, CONTRE LA
Deux semaines après l’élection présidentielle du 9 août, au résultat grossièrement falsifié, le blocage politique est total.
Le nombre de manifestants, dimanche, dans la capitale et dans plusieurs autres villes du pays, était un test : il montre qu’en dépit de la violente répression des premiers jours, la mobilisation populaire reste très élevée. La tactique de l’intimidation n’a pas fonctionné, du moins pas de manière significative. Avec un remarquable courage, les Biélorusses continuent de réclamer le départ du président et des élections libres.
De son côté, M. Loukachenko s’enferre dans une posture de déni, inventant des menaces qui n’existent pas, comme celle contre sa propre sécurité et le mythe de troupes de l’OTAN massées derrière la frontière. Il ne voit d’issue à la contestation que sécuritaire ; son gouvernement est invisible et il s’appuie ostensiblement sur les forces de l’ordre, auxquelles il promet « d’en finir » avec les protestataires. Une troisième image pourrait s’ajouter aux deux précédentes : celle de la chaîne humaine de solidarité organisée, dimanche, par les Lituaniens, sur les 35 kilomètres de la route qui relie Vilnius à la frontière biélorusse. Elle symbolise le défi que constitue la crise biélorusse pour l’Union européenne (UE). Les Vingt-Sept, par les valeurs démocratiques qu’ils défendent, ne peuvent qu’être solidaires d’un mouvement aussi massif et légitime.
Rester ferme
Pour autant, l’UE souhaite éviter une répétition du conflit ukrainien, où l’intervention directe des forces russes entrave les progrès du pays depuis 2014 et paralyse les relations entre l’Europe et Moscou. Tant le président Emmanuel Macron que le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, l’ont clairement dit ces derniers jours : pour eux, la Biélorussie ne doit pas être une seconde Ukraine. La situation y est différente. Contrairement aux Ukrainiens, les manifestants biélorusses ne demandent pas à rejoindre l’UE et se gardent de tout slogan hostile à la Russie. Leurs revendications sont claires et circonscrites : libération des prisonniers politiques, démission du président Loukachenko et organisation de nouvelles élections.
Tour des hôpitaux
Quelques jours plus tôt, le corps de Konstantin Shishmakov, 29 ans, directeur d’un petit musée de Vawkavysk, a été découvert dans une rivière. Assesseur aux élections, il avait refusé de signer un procès-verbal truqué. Le 15 août, il n’est pas rentré du travail. Aliaksandr Taraykovski, 34 ans, s’est fait tirer dessus pendant une manifestation, une vidéo en atteste. Mais officiellement, un objet non identifié lui aurait explosé dans la main.
La liste des victimes risque de s’allonger : soixante-dix personnes sont recherchées par leurs proches. Pour les retrouver, nous faisons le tour des hôpitaux, interrogeons les gens qui ont été en prison, diffusons des vidéos sur Internet, explique Dzmitri Salayou, de Viasna, une ONG de défense des droits de l’Homme. Nos avocats aident les familles et les victimes de violences à porter plainte.
Viasna enquête sur les morts suspectes, par exemple lorsque la date du décès et celle de l’annonce à la famille sont trop espacées ou lorsque les blessures ne correspondent pas à la cause officielle de la mort. Quand nous recevons des informations sur un décès qui aurait pu se produire en prison ou pendant une manifestation pacifique, raconte le militant, nous recoupons les informations, contactons tous les proches.