EN ALLEMAGNE, UNE REPRISE INDUSTRIELLE FRAGILE
Un net rebond de la production et des exportations redonne des couleurs à l’économie nationale. Pour autant, la crise est loin d’être surmontée, selon les experts.
Outre-Rhin, après l’effondrement économique provoqué par la crise sanitaire liée au Covid-19, les signes d’une nette embellie sur l’activité se multiplient. C’est notamment le cas pour l’industrie, moteur de l’économie allemande. Coup sur coup, en fin de semaine dernière, l’Office fédéral de la statistique (Destatis) a publié trois indicateurs particulièrement encourageants. Jeudi 6 août, l’agence annonçait que les commandes à l’industrie allemande avaient crû de 27,9 % en juin 2020 par rapport au mois précédent. Dans le secteur emblématique de l’automobile, leur rebond a été particulièrement vigoureux : elles se sont envolées de 66,5 % par rapport à mai.
Vendredi 7 août, les espoirs d’une reprise étaient confortés par la publication des derniers chiffres de la production industrielle. Celle-ci a en effet gagné 8,9 % en juin, amplifiant une hausse de 7,4 % en mai, selon Destatis. L’activité manufacturière, qui exclut l’énergie et le bâtiment du total, a même fait mieux, avec une progression de 11,1 % sur un mois. Là encore, la palme échoit à l’automobile, secteur où la production a augmenté de 54,7 % par rapport au mois précédent. Toujours vendredi, Destatis annonçait dans la foulée un bond des exportations de 14,9 % pour le mois de juin, à 96,1 milliards d’euros.
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Cette succession de bonnes nouvelles a provoqué un vif soulagement, quelques jours après l’annonce d’une chute historique du produit intérieur brut (PIB) de 10,1 % au deuxième trimestre et de l’entrée de l’Allemagne dans sa pire récession depuis l’après-guerre. « La hausse des commandes industrielles peut être interprétée comme un avant-goût de l’activité industrielle à venir, a suggéré Carsten Brzeski, économiste chez ING. Dans l’ensemble, ces indicateurs confirment un rebond en V après la levée des mesures de confinement. »
Le moral des investisseurs en août au plus haut depuis 2004
Ces indices tangibles d’un redressement rapide n’ont pas tardé à redonner le sourire aux acteurs économiques. Ainsi, l’indice ZEW du sentiment des investisseurs allemands sur les perspectives conjoncturelles à six mois, publié mardi 11 août, est ressorti à 71,5 pour ce mois-ci, dépassant nettement le niveau de juillet (59,3) ainsi que les attentes des analystes, qui escomptaient plutôt une stagnation. Le moral des investisseurs en août est à son plus haut niveau depuis 2004, d’après le ZEW.
Avant même la publication de ces dernières données, le gouvernement allemand affichait déjà un optimisme prudent, nourri par un frémissement perceptible de l’activité au début de l’été. « Nous apercevons une lueur d’espoir à l’horizon, assurait, jeudi 30 juillet, Peter Altmaier, le ministre de l’économie. En juillet, nous avons observé des signes clairs d’une amélioration de la conjoncture économique. De nombreuses entreprises ont déjà atteint le creux de la vague. »
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D’ailleurs, ce proche de la chancelière Angela Merkel n’en était pas à son premier aveu d’optimisme. Dans un entretien accordé le 5 juillet à l’hebdomadaire Bild am Sonntag, il avait été formel. « Je suis convaincu que nous serons en mesure de stopper la dégringolade après la coupure estivale, et que l’économie allemande renouera avec la croissance au plus tard en octobre », avait affirmé M. Altmaier à ce journal dominical.
« La crise actuelle est profonde »
En dépit de cette embellie estivale sur la conjoncture, les leaders du secteur industriel refusent de céder à l’euphorie ambiante. « Avec la meilleure volonté du monde, je ne vois pas de rebond à l’automne », rétorquait, jeudi 6 août, Dieter Kempf, le président de l’influente fédération industrielle BDI. « La situation de la filière automobile et des équipementiers reste préoccupante. » L’économiste Hubertus Bardt juge que le rebond de l’activité enregistré en mai et juin est insuffisant pour envisager une sortie de crise rapide Pour sa part, l’Association allemande des chambres de commerce et d’industrie (DIHK) redoute une rentrée périlleuse. « Selon nos enquêtes, 40 % des entreprises subissent des problèmes de trésorerie, et 10 % disent être menacées d’insolvabilité, soulignait Eric Schweitzer, son président, le 20 juillet. Une gigantesque vague de faillites est à craindre à l’automne », déclarait-il à l’agence de presse DPA.
Pour l’économiste Hubertus Bardt, le rebond de l’activité enregistré en mai et juin est insuffisant pour envisager une sortie de crise rapide. « En juin, la production industrielle était inférieure de 14 % à son niveau de juin 2019, dans l’automobile, on en est à 20 % de moins, et les exportations affichent – 10 %, observe ce chercheur à l’institut économique IW de Cologne. La situation n’est plus aussi catastrophique qu’en avril, mais la crise actuelle est profonde, et nous sommes encore en plein dedans. »