USA : LE DOLLAR, FACE A UNE AMERIQUE AFFAIBLIE, LES SIGNAUX REVELATEURS D’UNE CHUTE ECONOMIQUE
- Info Univ
- 4 août 2020
- 3 min de lecture
Depuis mars, la devise a perdu 12 % face à l’euro, en raison des incertitudes politiques et de la mauvaise gestion du Covid-19.

En temps de crise majeure, la sagesse financière veut que l’on se réfugie dans les valeurs sûres, à savoir le dollar. Et pourtant, c’est l’inverse qui se passe. Depuis le mois de mars, la devise américaine a perdu près de 12 % face à l’euro, passant de 1,06 à 1,19 dollar fin juillet. La chute a été de 5 % pendant le seul mois de juillet. C’est à la fois peu, comme le rappelle l’économiste Jean Pisani-Ferry − l’euro a touché un plus bas de 0,82 dollar en octobre 2000 et un plus haut historique de 1,60 en juillet 2008, et depuis, il oscille entre 1,05 et 1,25, ce qui reste raisonnable. C’est pourtant beaucoup dans le monde de quasi-changes fixes qui avait fini par s’imposer. La défiance est reflétée par l’envolée de l’or, qui bat des records et a progressé de 30 % depuis le début de l’année, l’once cotant 1 975 dollars, signe d’une baisse de confiance dans les devises traditionnelles et d’une crainte du retour de l’inflation.
La question est de savoir si la chute du dollar va s’accélérer et menacer son hégémonie. « TINA : there is no alternative. » Il n’y a pas d’autre choix que le dollar, répètent depuis des années les investisseurs, invoquant le raidissement chinois et la faiblesse congénitale de l’euro. Le dollar reste la monnaie de réserve de référence (62 % des réserves, en recul de 2 points seulement depuis 2008, note le Financial Times) tandis que la part de l’euro est passée de 28 % à 20 % depuis 2008.
« Privilège exorbitant »
Pourtant, Stephen Roach, professeur à l’université Yale et ancien dirigeant de Morgan Stanley, démonte le « TINA » : il estime dans une tribune publiée par Bloomberg que « le privilège exorbitant du dollar arrive à son terme » et prédit une chute de 35 % du billet vert. L’économiste en chef de Natixis, Patrick Artus, s’attend lui aussi à une glissade.
Vers la fin de la domination mondiale du dollar?
Goldman Sachs encourage les investisseurs à se tourner vers l'or.
C'est un point de vue minoritaire, mais influent: pour la banque d'investissement Goldman Sachs, le dollar pourrait perdre son statut de monnaie de réserve dans les échanges internationaux. En cause, la politique de relance économique du Congrès, couplée à la création monétaire de la Réserve fédérale, qui risquent selon elle de favoriser l'inflation.
L'avis de Goldman Sachs reflète toutefois une tendance observée sur les marchés. Inquiets de l'utilisation immodérée de la planche à billets (création monétaire) par la Réserve fédérale, de plus en plus d'investisseurs se détournent du dollar et achètent de l'or. En juillet, le dollar a perdu plus de 3% de sa valeur et, à l'heure où ces lignes sont écrites, il s'échange contre 0,84 euro.
«L'or est la monnaie de dernier recours, en particulier dans un environnement comme celui d'aujourd'hui, où les gouvernements dévaluent leurs monnaies fiduciaires et poussent les taux d'intérêt réels à des niveaux historiquement bas. [On constate] de réelles inquiétudes concernant la longévité du dollar américain en tant que monnaie de réserve», écrivent les analystes de Goldman Sachs.
Le dollar reste la monnaie de réserve
Le secteur financier américain ne s'est pas immédiatement alarmé des risques inflationnistes, mais cette période semble terminée. Ayant souffert de cette inflation en 2008, lors du plan de relance économique massif qui a suivi la crise financière (qu'il avait lui-même provoqué), Wall Street se montre plus méfiant.
«Le taux d'équilibre à dix ans, l'écart entre les rendements de la dette nominale et ceux liés à l'inflation, est passé à environ 1,51%, contre 0,47% en mars. Les rendements réels, qui éliminent l’impact de l’inflation, ont plongé encore en dessous de zéro –à environ -0,93% sur les obligations à échéance similaire», détaille Bloomberg.
L'agrandissement du bilan de la Fed (2,8 billions de dollars), sa politique de création monétaire, le niveau des taux d'intérêt et la relance économique risquent, selon Goldman Sachs, d'engendrer à moyen terme une inflation dépassant les 2%. Par conséquent, l'or, valeur refuge des investisseurs, pourrait passer de 1.950 dollars l'once [1.645 euros] à 2.300 dollars [1.941 euros] d'ici un an.
Néanmoins, le dollar reste utilisé dans 85% des échanges de devises et représente 63% des avoirs de réserve de change. La devise «n'est pas près de perdre son statut de monnaie de réserve étant donné la profondeur des marchés financiers et le volume impressionnant de transactions mondiales libellées en dollars américains», tempère Michael Krupkin, de Barclays.
Comments