RESTE DU MONDE : L’ECONOMIE MONDIALE ENREGISTRE SA PIRE RECESSION DEPUIS 80 ANS
La pandémie du coronavirus provoquera probablement en 2020 la plus forte récession mondiale depuis la Seconde Guerre mondiale, annonce la Banque Mondiale. «Nos dernières Perspectives économiques mondiales publiées aujourd’hui prévoient une contraction de 5,2 % de l’économie planétaire cette année », précise l’institution dans un communiqué.
L’activité économique dans les économies avancées devrait décliner de 7 % en 2020, sous l’effet des graves perturbations qui ont frappé l’offre et la demande intérieures, ainsi que les échanges et la finance . Le groupe des économies de marché émergentes et en développement devrait connaître sa première contraction en 60 ans, avec une baisse globale de son PIB de 2,5 % en 2020. Il en résultera une diminution de 3,6 % des revenus par habitant, ce qui fera basculer des millions de personnes dans l’extrême pauvreté cette année. « Si la pandémie est suffisamment endiguée d’ici le milieu de l’année dans les économies avancées et un peu plus tard dans les économies de marché émergentes et en développement, nos projections prévoient un rebond mondial à 4,2 % en 2021, avec un taux de croissance de 3,9 % dans les premières et de 4,6 % dans les secondes ».
Les perspectives sont toutefois très incertaines, et dominées par des risques de détérioration, dont notamment une pandémie plus longue qu’anticipé, un désordre financier durable et un affaiblissement du commerce mondial et des chaînes d’approvisionnement. Confrontées à une crise sanitaire aiguë, beaucoup d’économies émergentes et en développement sont aujourd’hui moins bien préparées à surmonter une récession mondiale qu’elles ne l’étaient au moment de la crise financière de 2008. Les plus vulnérables sont celles dont les systèmes de santé sont défaillants, celles qui sont tributaires des exportations de produits de base et celles qui sont grevées par des niveaux élevés de dette souveraine et d’endettement des entreprises.
L’urgence dans ces pays est de prendre des mesures sanitaires et économiques pour amortir le choc de la pandémie, protéger les populations vulnérables et renforcer les capacités nationales à anticiper et gérer des crises similaires à l’avenir. En raison de leur plus grande vulnérabilité, il est absolument essentiel que les économies émergentes et en développement renforcent leurs systèmes de santé publique, mais aussi qu’elles répondent aux problèmes posés par la prédominance du secteur informel et le manque de filets de protection sociale et qu’elles engagent des réformes qui permettent d’assurer une croissance vigoureuse et durable une fois la crise sanitaire endiguée.
Si l’épidémie dure plus longtemps qu’anticipé, les pays pourraient être contraints de maintenir ou réintroduire des mesures de restriction des déplacements et des interactions sociales. En supposant un prolongement pendant trois mois supplémentaires de strictes mesures de confinement, la production mondiale pourrait chuter de près de 8 % en 2020. Même avec des mesures supplémentaires de relance budgétaire, les entreprises fragiles devront mettre la clé sous la porte, tandis que les ménages vulnérables réduiront fortement leur consommation et que le secteur des voyages restera fortement déprimé. Ces graves perturbations s’accompagneront aussi de répercussions internationales plus importantes et conduiront à des interruptions de la production généralisées. Un désordre des marchés financiers durable et sévère provoquera une hausse des faillites dans le monde entier et plongera nombre d’économies émergentes et en développement dans de graves difficultés financières.
Scénario optimiste
Malgré les risques accrus de détérioration qui pèsent sur les projections de croissance et la gravité de plus en plus évidente de la contraction qui frappe actuellement l’activité économique mondiale, l’hypothèse de résultats plus favorables que prévu n’est pas exclue. En effet, la suppression attendue des mesures de lutte contre la propagation du coronavirus conjuguée à une riposte politique mondiale rapide et sans précédent face à la pandémie est susceptible d’entraîner rapidement le retour de la confiance et la reprise de l’emploi, avec à la clé un rattrapage de la demande. Mais même selon ce scénario plus positif, la contraction de la production mondiale atteindrait 3,7 % en 2020, soit un déclin près de deux fois supérieur à celui observé pendant la récession mondiale de 2009, tandis que les économies émergentes et en développement connaîtraient une croissance négative.
Des effets sur "les décennies à venir"
"Cette pandémie est une crise sanitaire comme on n'en voit qu'une par siècle et ses effets seront ressentis pour les décennies à venir", a déclaré le directeur général de l'OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, au début de la réunion de vendredi. L'institution, qui avait décrété l'alerte mondiale le 30 janvier, est critiquée pour ses recommandations jugées tardives ou contradictoires.
Face à la flambée de nouveaux cas de Covid-19, plusieurs pays renforcent les restrictions sanitaires. L'Allemagne a classé trois régions d'Espagne, particulièrement touchées, en zones à risque, ce qui implique une quarantaine pour les voyageurs qui en reviennent, à moins de présenter un test négatif. Au Royaume-Uni, le gouvernement a décidé de repousser d'au moins deux semaines la prochaine phase du déconfinement en Angleterre, initialement prévue pour samedi avec la réouverture de certains lieux publics. En France, le ministre de la Santé Olivier Véran a annoncé vendredi que le port du masque en extérieur pourrait être imposé dès lundi dans "un certain nombre de zones" où l'épidémie remonte, l'été encourageant les rassemblements festifs en plein air.
Course au vaccin
Compagnies pétrolières, avionneurs, constructeurs automobiles paient un lourd tribut à la crise, avec des pertes abyssales au deuxième trimestre. Vendredi par exemple, le constructeur de poids lourds suédois Scania a confirmé un plan de 5.000 suppressions de postes dans le monde.
Sur le front médical, signe de la compétition intense entre les Etats, les contrats se multiplient pour tenter de s'assurer un accès à un éventuel vaccin contre le Covid-19. Dernier en date, l'accord annoncé vendredi entre Sanofi et GSK avec les Etats-Unis, pour un financement supérieur à deux milliards de dollars. Les laboratoires français et britannique vont recevoir jusqu'à 2,1 milliards de dollars des Etats-Unis contre la fourniture initiale de 100 millions de doses aux Américains.
L'Union européenne n'est pas en reste: elle a annoncé vendredi avoir sécurisé la réservation de 300 millions de doses de vaccins auprès de Sanofi et de GSK pour 2021. Le montant de ce futur contrat sans obligation d'achat n'a pas été divulgué. Le Japon a quant à lui conclu un accord avec l'alliance germano-américaine Biontech/Pfizer pour s'assurer 120 millions de doses de leur potentiel vaccin contre le Covid-19.
Des opérations similaires se multiplient à travers le monde et cette compétition est polémique, car elle pose la question de l'accès des pays en voie de développement au vaccin, qui n'ont, pour leur part, pas les moyens de financer des contrats si importants, nourrissant les craintes de les voir servis en dernier. L'immunologue Anthony Fauci, voix de la raison scientifique aux Etats-Unis sur la pandémie, a émis des doutes vendredi sur la sécurité des vaccins actuellement développés par la Russie et la Chine.
"J'espère vraiment que les Chinois et les Russes testent leurs vaccins avant de les administrer à qui que ce soit", a-t-il déclaré lors d'une audition devant le Congrès américain.