LIBAN : UN PAYS AU BORD DE L’ABIME, QUELQUES SIGNAUX FAIBLES EMANANT DE LA SOCIETE CIVILE LAISSENT E
Mais si les Phéniciens existaient aux yeux de leurs contemporains, eux-mêmes ne se désignaient pas comme tels. Leur nom, c’est aux Grecs qu’ils le doivent. La Phénicie était en réalité constituée d’une myriade de cités-Etats distinctes les unes des autres : Tyr, Sidon, Byblos… S’interroger sur la cohérence politique d’un territoire de l’Antiquité est une chose. Mais se demander si le Liban existe, aujourd’hui, n’est-ce pas une provocation ?
Le Liban est membre fondateur de l’Organisation des Nations unies (ONU), sa guerre civile a occupé l’actualité durant des années ; le pays a ses auteurs, sa cuisine, ses artistes, ses couturiers de renom, sa musique. Douter de son existence est d’autant moins permis que le Liban occupe une place symbolique particulière. Pour le reste du monde, il est un « pont entre l’Orient et l’Occident », un « carrefour de civilisations », le laboratoire d’une composition religieuse rarement rencontrée ailleurs, un « message ».
"Israël a des ambitions hégémoniques sur les terres, les eaux et les ressources maritimes" du Liban
Le commandant en chef de l'armée libanaise, le général Joseph Aoun, a déclaré mardi que "l'ennemi israélien multipliait les tentatives visant à saper l'unité nationale", dans des propos rapportés par L'Orient-Le-Jour. Par ailleurs, Israël a "des ambitions hégémoniques sur les terres, les eaux et les ressources maritimes" du Liban, a affirmé le général.
Ces propos interviennent alors qu'une cellule terroriste du Hezbollah a tenté de s'infiltrer en Israël lundi, dans la région du mont Dov, mais a rebroussé chemin après avoir été ciblée par Tsahal.
M. Aoun a également assuré que "l'armée ferait face à toute tentative visant à porter atteinte à la stabilité, à la paix civile et à la coexistence" au Liban, tandis que le pays est frappé par des "crises politique, économique et sociale sans précédent". Le gouvernement libanais a adopté fin avril un plan de sauvetage économique visant à relancer la croissance et à assainir les finances publiques, mais les réformes, notamment dans le domaine de l'électricité, peinent à se concrétiser. Selon des statistiques officielles, près de la moitié de la population libanaise vit dans la pauvreté et 35% de la population active est au chômage. Le ras-le-bol général a déclenché en octobre 2019 un soulèvement populaire inédit contre l'intégralité d'une classe politique accusée de corruption et d'incompétence, quasi-inchangée depuis des décennies.
Un pays plongé dans le noir
“Mais où donc est l’État, où sont les agents de l’ordre, où est l’appareil judiciaire ?” s’indigne, non sans ironie, L’Orient-Le Jour dans un éditorial. En effet, cette interrogation est le fait du Premier ministre, “l’impayable” Hassane Diab. Lui qui, alors qu’il est censé avoir une réponse à ces questions, trouve le moyen de se plaindre de “toutes ces mafias politiques ou d’affaires qui, en lieu et place de l’État, contrôlent des secteurs aussi divers que les carburants, les carrières, les prix des denrées alimentaires et jusqu’au secteur hospitalier. Dans la foulée, il dénonçait les attaques armées contre des postes de sécurité et l’absence de toute autorité étatique en certains points du pays.”
Mais “au fait, poursuit le quotidien beyrouthin, où donc était-il, l’État, en cette journée très particulière du lundi 27 juillet, où seuls de contradictoires communiqués émanant d’Israël et du Hezbollah ont émaillé une énigmatique éruption de violence à la frontière sud, où a été bombardée une localité libanaise ? C’est le lendemain seulement qu’était rompu le lourd silence officiel, qu’étaient dénoncées les visées agressives de l’État hébreu, qu’était présentée la rituelle plainte à l’Organisation des nations unies. Cela sans plus d’explications sur les raisons de la soudaine flambée.”
Apparemment, le Conseil de défense “est accaparé par une autre bataille, menée contre le coronavirus celle-là, et il ne sait plus, le pauvre, où donner de la tête”. Un rebond de l’épidémie de Covid-19, après un déconfinement progressif, a poussé les autorités à annoncer le 28 juillet un “fantasmagorique programme de reconfinement à tiroirs. Sans doute croyait-on réaliser de la sorte un de ces bons vieux compromis à la libanaise entre urgences sanitaires et impératifs économiques.”
La baisse dramatique du pouvoir d’achat
En défaut de paiement depuis mars 2020, le pays s’enfonce chaque jour un peu plus dans une crise économique sans précédent. À commencer par l’effondrement de la monnaie nationale, qui a perdu en l’espace de quelque mois plus de cinq fois sa valeur par rapport au dollar sur le marché noir. Indexée sur le billet vert depuis 1997 au taux fixe de 1 507 livres pour 1 dollar, la monnaie libanaise a dévissé sur le marché parallèle, frôlant certains jours les 9 000 livres pour 1 dollar, et entraînant une inflation galopante. Ainsi, le taux d’inflation a atteint près de 90 % sur un an en juin, et dépasse 100 % pour certaines denrées alimentaires. Dans la mesure où l’économie du pays, hypertrophiée par le secteur tertiaire, en particulier bancaire, est très dépendante des importations qui sont enchaînées au dollar, certains produits sont de plus en plus rares et les prix à la consommation explosent. Les importations alimentaires du Liban représentent environ 6 % du PIB du pays, ce qui le classe parmi les plus dépendants du monde
La baisse dramatique du pouvoir d’achat des Libanais est amplifiée par l’arrêt du tourisme, qui représente habituellement une source de revenus et de devises non négligeable pour le pays, avec une contribution de plus de 6 % au PIB. La baisse du pouvoir d’achat est aussi accentuée par les licenciements liés à la crise sanitaire et au confinement. Une situation qui se traduit par un taux de chômage de l’ordre de 30 % de la population active. En fin de compte, environ la moitié de la population a basculé sous le seuil de pauvreté.
Cette dégringolade que vit le Liban est notamment symbolisée par les coupures d’électricité qui sont de plus en plus fréquentes depuis début juillet, allant jusqu’à priver les Libanais de courant durant presque toute la nuit du lundi 27 au mardi 28. Le 29 juillet, le rationnement et les coupures touchant le pays dans son ensemble ont provoqué une surcharge sur certains générateurs privés alimentant des quartiers de la capitale Beyrouth, qui ont fini par tomber en panne. Il s’est ensuivi une coupure de la téléphonie fixe et d’Internet, touchant le centre-ville.